Un virus extrêmement dangereux est libéré dans le gigantesque laboratoire sous-terrain d'une firme multinationale concevant des armes chimiques. L'ordinateur chargé de régler la sécurité de ce complexe provoque alors la mort de tous les scientifiques : un commando est envoyé dans le complexe pour l'arrêter...
Resident Evil se veut la transposition au cinéma de la fameuse série de jeux vidéos du même nom publiée par la firme japonaise Capcom à partir de 1996. Mêlant jeu de rôles, action et épouvante, elle connut un énorme succès dès son premier volet, et le producteur Berd Eichinger s'est rapidement porté acquéreur de ses droits d'adaptation cinématographiques. Plusieurs réalisateurs sont contactés, dont George Sluizer (L'homme qui voulait savoir (1988)...) et, surtout, George Romero (La nuit des morts-vivants (1968)...), pape du film de zombies. Ce dernier écrit un script d'une rare noirceur, mais sa candidature est finalement écartée. Finalement, Paul Anderson (qui avait déjà adapté sur grand écran le jeu Mortal Kombat (1995), et dont Event horizon (1997) avait été fort remarqué dans le domaine de l'horreur) est retenu comme réalisateur et scénariste de Resident Evil ; il s'associe à la production avec sa firme Impact Pictures. De même, le producteur français Samuel Hadida (Necronomicon (1994), Le pacte des loups (2001) de Christophe Gans...) participe à la conception de ce film : c'est logiquement sa compagnie Metropolitan Filmexport (bien connue des amateurs de cinéma populaire) qui distribuera Resident Evil en France. Ce film, tourné essentiellement en Allemagne, met en vedette l'actrice/mannequin Milla Jovovich (He got game (1994) de Spike Lee, Jeanne d'Arc (1999) de Luc Besson, The million dollar hotel (2000) de Wim Wenders...) et Michelle Rodriguez (Girlfight (2000) de Karyn Kusama, Fast and furious (2001) de Rob Cohen...). A leurs côtés, on trouve des acteurs moins célèbres, mais néanmoins connus des amateurs de cinéma fantastique : James Purefoy (Le phare de l'angoisse (1999) de Simon Hunter...), Eric Mabius (The Crow 3 : salvation (2000)...).
Resident Evil n'était pas seulement attendu avec impatience par les amateurs de jeu vidéo. En effet, il s'agit du premier film de zombies bénéficiant d'un budget correct à être produit pour le cinéma depuis les sorties de Braindead (1993) de Peter Jackson et de Dellamorte Dellamore (1994) de Michele Soavi, alors que ces monstres avaient régné en maîtres sur le cinéma horrifique des années 80 (L'au-delà (1981) de Fulci, Evil dead (1982) de Sam Raimi, Re-animator (1985) de Stuart Gordon...) : certes d'autres ouvres mettant en scène des morts-vivants ont été tournées, mais elles étaient souvent destinées à des circuits de distribution réduits (Les morts haïssent les vivants (1999) de Dave Parker, Le couvent (2000) de Mike Mendez...).
Resident Evil se déroule dans le Hive (la Ruche), laboratoire de conception d'un virus destiné à être employé comme une arme chimique : un saboteur brise une ampoule de ce dans le laboratoire de la Umbrella Corporation et Red Queen (la reine rouge), ordinateur chargé de sa sécurité, en ferme toutes les issues et tue, à l'aide d'un gaz empoisonné, les personnes atteintes par ce virus afin qu'elles ne puissent pas contaminer l'extérieur. Ce virus T a la particularité de tuer ses victimes, puis de les ramener à la vie sous forme d'êtres quasiment dénués d'intelligence et se nourrissant de chair humaine : bref elles deviennent morts-vivants fidèles aux canons mis en place par La nuit des morts-vivants. Toutefois, une incohérence dans les script apparaît alors assez criante : pourquoi Red Queen tient-elle tant à tuer tous les habitants du complexe sachant que, de toute façon, ils vont devenir rapidement des zombies ? Cela n'est tout de même pas très logique...
A travers la description sans concession des activités louches de la Umbrella Corporation et de son fonctionnement inquiétant, Anderson présente un futur économiquement cauchemardesque. Cette puissante firme multinationale énigmatique a bâti un énorme laboratoire souterrain dans lequel elle expérimente et conçoit en secret des produits extrêmement dangereux. Les spectres d'une économie mondiale et d'une vie quotidienne dirigée secrètement par des groupes puissants et non contrôlés par des instances élues par les peuples planent donc sur ce récit : cela ne manque pas d'une certain piquant quand on sait que ce film est une co-production conçue par des compagnies indépendantes, et peut donc s'interpréter comme une mise en garde contre la puissance des multinationales de l'audio-visuel (Time-Warner-AOL, Vivendi-Universal...) ! Pour s'opposer à Umbrella Corporation, plusieurs personnages sont déterminés à lutter contre cette dangereuse firme : cherchant à pousser sa réflexion un plus loin qu'une traditionnelle condamnation du système capitaliste, le scénario oppose plusieurs méthodes de lutte contre le système, qui vont d'une infiltration risquée, afin de réunir des preuves contre Umbrella et les publier, à des actes de terrorisme totalement irresponsables.
S'inscrivant dans la tradition classique des films de zombies tels que Zombie (1978) de Romero ou L'enfer des zombies de Fulci, Resident Evil emploie la vulnérabilité des zombies aux coups de feu en pleine tête comme prétexte pour nous proposer d'énergiques scènes d'action, influencées par l'univers des jeux vidéos et par les fusillades en milieu confiné de l'Aliens (1986) de James Cameron. Mais le film d'Anderson n'oublie pas non plus d'être un film d'épouvante, en nous proposant des zombies aux looks blafards assez réussis. Le recours aux séquences gore, véritable signature du film de zombie depuis les classiques de Romero et Fulci, est ici relativement restreint pour un film de ce genre : pour provoquer l'angoisse, Resident Evil préfère en effet combiner une ambiance fantastique et étrange à un récit cauchemardesque. En effet, la progression de l'histoire est une succession de rebondissements effroyables, de catastrophes, d'échecs, laissant à peine la place à quelques triomphes temporaires et inutiles. La ligne directrice de l'ensemble est donc simple : plus on avance, plus on en apprend, plus la situation devient inextricable et tragique. En ce sens, on retrouve le pessimisme typique des films de zombies de la fin des années 70.
Mais Resident Evil étonne avant tout par son atmosphère étrange, mêlant haute-technicité et poésie, telle la fastueuse demeure néo-classique bâtie au dessus d'un complexe scientifique ultra-moderne. Baignant dans une lumière blanche et saturée, les décors d'une propreté stérile et aseptisée accèdent à une sorte d'abstraction surnaturelle, qui n'est pas sans rappeler les villas modernes du Ténèbres (1982) d'Argento ou les couloirs de l'Overlook dans Shining (1980) de Kubrick. L'irruption des hordes de zombies pourrissants dans cet univers clinique et hyper-harmonieux entraîne toujours un décalage étrange et un fort effet de surprise. On erre donc dans un univers fonctionnel et dépouillée, a priori en totale opposition avec les cimetières et cryptes décrépis d'un Fulci. Toutefois, des signes insolites introduisent une forme d'onirisme macabre et désespérée inattendue : on pense notamment à la course des chiens ou à l'allure féline et surréaliste du Licker, organisme en mutation permanente qui aurait tout à fait pu sortir de l'imagination de Lovecraft.
On apprécie aussi l'excellente partition de rock indus composée à quatre mains par une vedette de ce genre, Marylin Manson, et l'habituellement médiocre Marco Beltrami (Scream (1996), Dracula 2001 (2000)...) : reflétant l'ambiance lourdement technologique et tragique du film, elle accompagne à merveille le descente aux enfers d'Alice. Ce personnage principal du film ne se trouve pas dans les jeux vidéos, mais a été inventé par Paul Anderson, en s'inspirant d'Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll. Dans le film Resident Evil, le passage "de l'autre côté du miroir", dans un univers entièrement inconnu, évoqué par le réveil d'Alice après son amnésie, renvoie aussi à la condition du joueur qui se plonge par l'intermédiaire des jeux vidéos dans des univers complètement inconnus et imaginaires, dans lesquels tout devient possible. Alice, personnage fantomatique et perdu, est incarnée par Milla Jovovich, bien plus convaincante ici que dans les films de Besson qui l'ont rendue célèbre (Le cinquième élément (1997) et Jeanne d'Arc). Michelle Rodriguez, dans un rôle totalement opposé et assez fonceur est aussi très attachante.
Toutefois, Resident Evil n'est pas sans défaut. Son prologue, malgré une première séquence assez fascinante, peine à convaincre. L'arrivée du commando dans la Hive n'est pas très réussie, la faute sans doute à quelques comédiens assez médiocres. Pourtant, après la redoutable séquence du couloir, le métrage finit par trouver son rythme : on peut pourtant encore reprocher quelques facilités au scénario (les souvenirs reviennent aux amnésiques à des moments bien commodes pour le déroulement du récit ; certains effets de surprise sont tristement prévisibles, presque puérils...).
Pourtant, ces légers défauts ne parviennent pas à entamer le réel plaisir qu'on prend à voir Resident Evil. Bénéficiant de décors et d'éclairages superbes, réalisé avec élégance, il nous propose de suivre une descente aux enfers convaincante dans un univers cauchemardesque plutôt original. La fin, largement ouverte, semble indiquer la possibilité qu'une suite puisse être tournée.
Bibliographie consultée
- L'écran fantastique numéro 220 (avril 2002)